Matthieu Gafsou
Biographie
Matthieu Gafsou est né en 1981 à Aubonne, Suisse. Il vit et travaille à Lausanne. Après un master en cinéma, littérature et philosophie, Matthieu Gafsou a étudié à l’École supérieure de la photographie de Vevey. Il participe depuis 2006 à de nombreuses expositions, a publié cinq livres et reçu plusieurs prix. Depuis 2012, il enseigne à l’ECAL; il est membre de l'agence MAPS depuis sa création, en 2017.
Paroles d'auteur
H+ traite du transhumanisme, un mouvement qui prône l’usage des sciences et des techniques afin d’améliorer les caractéristiques physiques et mentales des êtres humains. Certains considèrent ce mouvement comme la suite logique des évolutions technologiques, dans le continuum historique. On peut considérer qu’il s’agit d’une nouvelle forme de spiritualité, dégagée du poids des religions et qui érige l’humain en animal tout puissant. D’autres y voient une nouvelle forme de «chute», l’adoration de la technique et de l’individu devenant les signes d’une mégalomanie fautive. Entre les adeptes de l’homme-machine (le cyborg), les tenants d’un abandon du corps et du transfert de l’esprit dans un ordinateur ou encore les partisans d’une médecine qui vaincrait le vieillissement, le transhumanisme véhicule des projections diverses, dont les signes existent déjà. Des prothèses à la nourriture-médicament en passant par les implants, la mesure de soi ou l’interaction humain-machine, on découvre que s’est installé un rapport au corps comme machine customisable à loisir, véhicule presque embarrassant d’un esprit survalorisé. Les acteurs impliqués vont des majors de l’industrie technologique aux sous-cultures. Si l’imaginaire des premières est globalement techno-progressiste (culte de la science comme libération de l’homme), celui des tenants d’une hétérodoxie du transhumanisme est riche et multiple. Il mêle littérature cyberpunk, modifications corporelles, culture un peu geek du jeu vidéo ou du manga… Les photographies de H+ sont peu contextualisées et elliptiques. Il y a une sécheresse formelle qui, mariée à la simplicité des compositions, permet de saisir la vision d’un humain détaché de sa chair. Prises isolément, elles déroutent plus qu’elles n’explicitent. C’est mises en réseau qu’elles tissent la toile d’un discours. Artificielles, les photos ressemblent à leur sujet: on ne sait plus si c’est le vivant qui s’éteint en devenant machine ou si l’inanimé prend vie. H+ parle de notre corps, de notre quotidien et de notre rapport à la technique autant qu’il ouvre sur des perspectives d’avenir. Il ne donne aucune réponse mais peut fonctionner à la fois comme un outil pour penser une question essentielle de notre présent et comme un espace poétique qui nous confronte à l’absurde de notre finitude.
Focus
Humanité augmentée
Focus
Humanité augmentée
La photographie est un outil qui permet à l’homme de conserver des images alors que la mémoire les garde de manière fragmentaire. Cet outil a permis de développer le potentiel de l’être humain et avec le développement des technologies, l’appareil photographique ne serait plus tenu à bout de bras ou porté à l’oeil mais il serait implanté dans le corps humain. C’est le rêve des transhumanistes et le sujet du travail de Matthieu Gafsou, H+ pour Humanité Augmentée. De manière littérale, on est dans la science-fiction. Ainsi, qu’est-ce que le transhumanisme ? Le mot est inventé par un scientifique, Julian Huxley (frère de Aldous Huxley, auteur du Meilleur des mondes) pour désigner un passage, une évolution de l’homo sapiens (préfixe trans-) vers un nouvel âge de l’humanité. Les transhumanistes revendiquent l’utilisation de nouvelles technologies : homme augmenté, cerveau connecté, intelligence artificielle, nanotechnologies, eugénisme positif, immortalité, uploading, cryogénie, rajeunissement, conquête spatiale, etc. Le but étant de créer l’humanité de demain, le posthumanisme. L’intention documentaire du photographe est manifeste mais, par la force de l’imaginaire, elle se double aussi d’une dimension fictionnelle forte.